Afrique, où est ta solidarité ?

Qu’est-ce qui se passe au Burkina ? Le RSP (régiment de sécurité présidentielle) refuse que le pays décide de son sort. A la veille de la publication d’un rapport officiel recommandant sa dissolution, un officier, notoirement très influent fait un coup d’Etat et dissout toutes les institutions mises en place de façon consensuelle en vue de piloter la transition.
Le peuple burkinabè est sous le choc. L’Afrique et la communauté internationale s’indignent, les condamnations fusent de partout.

Une Manifestation contenue par l'armée

Ces évènements du Faso doivent interpeller les forces vives africaines.
Le RSP est l’archétype de toutes les gardes présidentielles que l’Afrique a connues. Les caractéristiques sont presque les mêmes. Une garde présidentielle est mieux équipée, mieux entrainée et mieux entretenue que le reste des unités de l’armée.

La seconde caractéristique commune aux gardes présidentielles est qu’elles ne sont pas sous le commandement de l’armée mais dépendent directement du Président de la République.
Aux directions des ressources humaines des armées, peu de gestionnaires maîtrisent les effectifs de ce corps.

Elles sont, sinon les principales, du moins les seules bénéficiaires des multiples coopérations militaires. Leurs chefs collaborent étroitement et quotidiennement avec des conseillers militaires étrangers pour les renseignements ou pour surveiller les opposants. Au Tchad, tous les présidents ont fait appel à des services étrangers pour entrainer les éléments de la garde prétorienne. La Compagnie tchadienne de sécurité (CTS) sous NGarta Tombalbaye avait pour parrains des conseillers militaires français puis zaïrois, coachés eux-mêmes par des instructeurs israéliens. Sous Habré, en pleine guerre froide, ce sont les services Français et américains qui se chargeaient de l’encadrement des chefs de la DDS (direction de la documentation et de la sécurité) aujourd’hui jugée.

Enfin, les gardes présidentielles s’opposent aux changements démocratiques ou, les récupèrent en s’improvisant libérateurs du peuple. Elles volent au peuple sa victoire pour lui imposer par la suite un des leurs ou un pseudo démocrate sur qui elles auront tout le contrôle.

Tel que décrit, les frères burkinabés luttent contre un mal très repandu en Afrique. Leur combat est celui de tout ceux qui aspirent au changement véritable. Tous les pays qui subissent la domination des gardes prétoriennes devraient sans hésitation manifester leur solidarité aux Burkinabés par des actions de désapprobation populaire.

Mais que remarque-t-on dans les capitales africaines. Le silence !
Hier, le peuple burundais a lutté tout seul jusqu’à l’essoufflement. Aucune action n’a été organisée en solidarité. Aujourd’hui c’est le tour du Burkina. Demain à qui le tour, devrait-on s’interroger ?

Ce silence des Africains face aux défis existentiels me pousse à m’interroger si le peuple d’Afrique est que simple mythe? Les Africains ont-ils vraiment des valeurs et des intérêts communs, sont-ils solidaires dans la protection de leurs droits imprescriptibles et inaliénables, notamment les droits économiques, sociaux et culturels ?

Pourtant nous sommes prompts à sortir manifester, tout bruler pour défendre Jesus ou son ami Mohamet ; pourtant nous avons un instrument juridique, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui nous autorise à désouver une imposture telle qu’orchestrée par le RSP.

Pourtant nous avons des gouvernements, des organisations et des peuples qui se tiennent prêts à nous soutenir. La charte africaine dit en son article 20 : « Tout peuple a droit à l’existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination.
ll détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu’il a librement choisie ».
A l’article 23, elle dit: « Les peuples ont droit à la paix et à la sécurité tant sur le plan national que sur le plan international. Le principe de solidarité et de relations amicales affirmé implicitement par la Charte de l’Organisation des Nations Unies et réaffirmé par celle de l’Organisation de l’Unité Africaine est applicable aux rapports entre les Etats ».

Aucun gouvernement africain signataire de cette charte ne s’opposerait à une manifestation en solidarité aux peuples frères en lutte.
Rien, ni personne ne peut prolonger aussi longtemps nos souffrances que notre silence complice.

Antoine Adoum Goulgué, à mon avis.